On les surnommait autrefois les turbulents, les tannants, les excités, les énervés…
Aujourd’hui, on désigne ces élèves au moyen de quatre petites lettres qui en disent long : les TDA/H .
Même si, en général, les enfants ayant un Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité (TDA/H) ne présentent pas de troubles graves de comportement, leurs difficultés à respecter l’encadrement et la discipline de classe mettent inévitablement à l’épreuve la patience et la tolérance des personnes qui les entourent. Il est toutefois désolant de constater que l’attitude impertinente de ces élèves masque souvent la présence d’un grand potentiel intellectuel et d’un excellent sens de l’humour.[1]
D’abord, il ne faut jamais confondre le comportement d’un enfant ayant un trouble de l’attention et de l’hyperactivité avec le tempérament que l’on retrouve habituellement chez un enfant. Tous les enfants ont un besoin viscéral de bouger, de découvrir et de s’émanciper! Un enfant léthargique demande un suivi médical au même titre que celui qui a un TDA/H. La différence réside dans le fait que l’enfant sans problématique particulière saura s’arrêter au bon moment tandis que celui ayant un TDA/H étirera l’élastique jusqu’à ce que l’inévitable se produise…
Dans une salle de classe, un enfant qui a un TDA/H non traité est un élève facilement distrait, brouillon et étourdi. Il bouge constamment : se lève, grimpe, court, se promène sans autorisation, etc. Certains d’entre eux présentent même des signes d’impulsivité : l’élève parle beaucoup, n’attend pas son tour de parole, interrompt les autres, etc. Évidemment, ces excès font en sorte que les autres élèves se plaignent et se fâchent contre la désorganisation de ce camarade de classe trop agité. Parmi eux, quelques élèves plus malicieux profitent de ces moments d’instabilité pour “encourager” le comportement répréhensible de l’élève qui présente un TDA/H. Dans ces circonstances, il n’en faut pas plus pour perturber l’équilibre déjà fragile d’une classe. Il en va de même pour l’estime de l’élève qui, malgré sa nonchalance apparente, est bien conscient de la réalité qui l’accable.
Un enseignant[2] est un professionnel digne de confiance. Son expertise et ses compétences font en sorte qu’il est en mesure d’analyser efficacement les différentes situations qui se présentent à lui. Par conséquent, s’il constate que l’un de ses élèves présente les caractéristiques associées au TDA/H comme celles décrites précédemment, il suggérera fort probablement aux parents de consulter un professionnel de la santé pour une évaluation complète. Si un diagnostic de TDA/H est émis, le médecin pourra prescrire, s’il le juge nécessaire, une médication[3] afin de mieux contrôler l’inattention, l’agitation et l’impulsivité et/ou suggérer un suivi qui, pour le bien-être de l’enfant, favorisera son épanouissement. Il appartient ensuite aux parents d’accepter ou de refuser les différentes avenues qui leur seront proposées.
Pour mieux soutenir et encadrer l’élève ayant un TDA/H, le plan d’intervention[4] est l’outil de prédilection. Ce plan, qui implique autant les intervenants de l’école que l’élève et ses parents, consiste à minimiser les impacts négatifs associés au trouble et à augmenter les chances de réussite scolaire. Dans le cas d’un élève qui présente uniquement cette pathologie, le plan d’action visera principalement à travailler les sphères sociales, cognitives et comportementales. Toutefois, pour favoriser l’atteinte des différents objectifs fixés par les parties, il importe que chaque acteur collabore et joue le rôle qui lui a été attribué lors de la mise sur pied dudit plan.
En résumé, l’élève ayant un TDA/H est un enfant qui a certes un grand potentiel, mais sa condition requiert un encadrement supervisé conçu sur mesure. La mise en place d’un plan d’action stratégique de même que la patience et la tolérance des accompagnateurs[5] sont inestimables. Elles aideront l’enfant à maximiser ses chances de réussite, d’une part, et à augmenter son estime de soi, d’autre part.
[2] Le genre masculin est employé uniquement pour alléger le texte.
[3] Cet article ne cherche ni à vanter les mérites des médicaments, ni à les discréditer puisque chaque cas est unique.
[4] Un plan de services, qui rassemble une panoplie d’intervenants internes (direction, enseignant, éducateur spécialisé, etc.) et externes (travailleur social, psychologue, pédopsychiatre, etc.), peut être nécessaire dans certains cas.
[5] Parents, amis, enseignants, etc.
L’étudiant[1] qui termine son bac en enseignement[2] déborde certes d’enthousiasme, mais il a surtout la tête remplie de conceptions théoriques qu’il souhaite enfin mettre en pratique.
Il se souvient de son propre passage au primaire, de monsieur Lemieux en deuxième année et du petit chapiteau qu’il avait installé au fond de la classe pour susciter l’éveil à la lecture chez certains de ses élèves. L’aspirant enseignant s’était alors découvert une véritable passion : chaque fois qu’il en avait l’occasion, il adorait s’y engouffrer, un livre à la main, pour savourer ce petit moment de quiétude à l’abri des regards indiscrets.
Aujourd’hui, ce nouvel enseignant est impatient d’offrir à ses futurs élèves des activités pédagogiques stimulantes et il est fébrile à l’idée de partager avec eux cet univers ludique dans lequel il aimait se plonger jadis. Bref, il lui tarde de devenir à son tour un « monsieur Lemieux ».
Mais aussitôt le diplôme en poche, le nouvel enseignant apprend que la réalité est bien différente de ce à quoi il aspirait. Il comprend rapidement qu’il devra s’armer de patience avant d’avoir le privilège de gérer sa propre classe – et de surcroit, d’obtenir sa permanence (une position enviable qui relève presque de l’utopie pour un nouveau venu) – et surtout, qu’il devra faire preuve d’une grande capacité d’adaptation.
Plusieurs suppléants, moins disposés à l’idée de butiner d’une école à l’autre, attendront avec empressement qu’un enseignant quitte temporairement son poste (congé parental, congé de maladie, congé sans solde, etc.) pour « entrer dans le système ». Les plus chanceux se verront attribuer un contrat avec une tâche variant de 60% à 100% et pouvant couvrir jusqu’à une année scolaire complète. Les autres, qui décrocheront un contrat avec une tâche allant de 20% à 40%, devront jongler avec un horaire particulièrement difficile étant donné qu’ils devront glaner au passage quelques heures ici et là dans diverses classes pour arriver à obtenir un temps plein.
Certains autres suppléants – qu’on appelle occasionnels – préfèreront, par choix, remplacer au jour le jour. Différentes raisons peuvent motiver cette décision : une préretraite, un deuxième emploi, un retour progressif ou d’un congé de maladie, etc. En somme, le suppléant occasionnel n’aura pas la responsabilité de gérer un groupe-classe au quotidien, de préparer ses cours, de construire un système d’émulation (pour faciliter la gestion de classe), d’évaluer les compétences des élèves, de communiquer avec les parents, ni d’assister aux plans d’intervention. Il n’aura pas non plus à subir les diverses pressions exercées parfois par la direction, les autres collègues, les parents, les élèves, le manque de spécialistes, les nombreuses formations xyz, les réunions après l’école, etc. Autrement dit, son apport au système éducatif sera bien moindre comparativement à un enseignant régulier ou un suppléant à contrat. Cependant, même s’il se dispense d’une liste de tâches assez phénoménale, le suppléant occasionnel n’aura pas pour autant une vie professionnelle calme et paisible à la manière d’un long fleuve tranquille sur lequel flotte tout doucement un lit de pétales de rose.
Outre le changement d’école qu’il doit effectuer chaque jour, les nombreuses matières qu’il doit couvrir (mathématiques, français, univers social, sciences, éthique et culture religieuse, arts, éducation physique, etc.) et le degré d’enseignement qui varie d’un remplacement à l’autre (maternelle 4 ans jusqu’en sixième année), un suppléant doit constamment s’adapter à son nouvel environnement (membres du personnel, lieu physique) et s’ajuster aux différentes règles internes qui régissent le fonctionnement de chaque école. Malheureusement, cette forme de résilience n’est pas donnée à tous. Elle peut autant être un vecteur de dynamisme pour certains qu’une source complète de démotivation pour d’autres.
Il faut être doté d’un sens aigu de l’observation pour être un enseignant et davantage encore pour un suppléant. Si ce dernier se présente dans une nouvelle école, il doit avoir pour leitmotiv la volonté d’« aller vers l’autre[3] » pour sonder son nouvel environnement et être en mesure de réagir promptement aux situations qui se présenteront devant lui. Par exemple, il ne doit pas craindre, par timidité ou par orgueil, de questionner un collègue sur la logistique des lieux. Ce collègue préférera de loin se faire déranger quelques secondes plutôt que de courir le risque qu’un suppléant maladroit perturbe l’équilibre de sa classe d’une façon ou d’une autre. Il faut toujours se rappeler que la routine et l’encadrement sécurisent les enfants.
Ainsi, si le suppléant parvient à assimiler rapidement le code de vie de l’établissement, il gagnera en temps, en respect et en crédibilité auprès des autres enseignants (et des élèves dont il a la responsabilité momentanément).
Puisque chaque école est suffisamment autonome pour “s’autogérer”, il existe de nombreuses règles internes auxquelles un suppléant doit se soumettre. Soulevons les règles les plus courantes et les plus paradoxales susceptibles de se retrouver dans les écoles appartenant étonnamment au même territoire :
Avez-vous déjà eu un remplaçant dans votre classe lorsque vous étiez enfant ? Pour quelles raisons vous en souvenez-vous dix, vingt ou même trente ans plus tard ? « Quand le chat est parti, les souris dansent ! », me répondrez-vous. Profitant du fait que le suppléant n’était pas familier avec votre nom[4] et les règles de la classe[5], vous vous disiez sans doute que cette journée allait être une vraie partie de plaisir !
L’élève d’aujourd’hui est exactement comme vous l’étiez à l’époque.
D’où l’importance pour le suppléant de (se) fixer des limites claires et de les faire respecter, et ce, dès son premier contact avec les élèves. Avoir un visage sérieux, prendre un ton ferme et faire preuve de cohérence entre les paroles et les actions lorsque la situation semble vouloir dégénérer suffisent à rétablir l’ordre la plupart du temps.
Mais pas tout le temps.
Certains élèves sont plus récalcitrants que d’autres[6]…
Par conséquent, le suppléant occasionnel ou à contrat doit constamment relever de nouveaux défis. Par ailleurs, ce dernier se voit souvent attribuer les classes les plus difficiles, et ce, en dépit de son inexpérience. C’est l’occasion pour certains de se conforter dans leur choix de carrière et pour d’autres – complètement désillusionnés – de faire volteface. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’un nouvel enseignant sur quatre quittera la profession moins de cinq ans après le début de sa carrière[7].
Hélas, parmi ces décrocheurs se trouvait peut-être un jeune et fougueux enseignant qui attendait le moment idéal pour transmettre à ses futurs élèves toutes les connaissances qu’il avait acquises au fil du temps et qui souhaitait devenir à son tour le « monsieur Lemieux » de la nouvelle génération.
[1] La forme masculine employée est nullement discriminatoire. Elle ne sert qu’à alléger le texte.
[2] Ce texte fait davantage référence au nouveau diplômé en éducation préscolaire et en enseignement primaire.
[3] L’ « autre » étant un collègue, une secrétaire, une éducatrice spécialisée, voire un élève.
[4] Détrompez-vous ! Le suppléant mémorisera rapidement le nom de certains élèves.
[5] Raisons pour lesquelles vous devez les maîtriser rapidement.
[6] Sujet qui fera l’objet d’une prochaine chronique.
[7] https://www.ledevoir.com/societe/education/520379/plus-d-eleves-moins-de-profs